Prendre ses marques
En ce moment la vie est un tourbillon fou.
Il y a même pas 3 semaines encore, j'habitais en Chine, dans un immeuble au 24e étage. Quand je sortais dans la rue, il y avait en bas de chez moi un type qui vendait des anguilles dans un filet vert, et qui les éviscérait sur le trottoir dès qu'elles étaient achetées. Juste en face une vieille dame avait dans son panier des oeufs bleu pâles qui seront restés pour moi un mystère. Des dizaines de personnes circulaient sur toutes sortes d'engins, motorisés ou non, et dans un sens souvent aléatoire et complètement indépendant de la circulation.
Il y a quelques jours encore, ma fille avait chaud, même en tee-shirt.
Il y a moins d'un mois, je répétais plusieurs fois au chauffeur de taxi ma destination en essayant toutes les inflexions de voix possibles pour un même mot jusqu'à ce qu'il me comprenne.
J'explosais mon budget de la semaine quand j'achetais du gruyère râpé.
Je me demandais comment on allait faire pour débarquer, notre fille sous le bras, sans nos meubles, dans un appart vide avec tout à faire en quelques jours.
En ce moment, on prend nos marques. On a beaucoup de chance, on a une famille qui nous a aidé, avec leurs bras pour faire des câlins et pour porter des cartons. On a des amis qui nous ont appelé, pour proposer d'autres bras qui font des câlins et amener du champagne dans ce nouvel appart.
Aujourd'hui, dans notre nouveau chez nous, il y a des meubles temporaires, pas beaucoup de jouets, des placards vides, un frigo plein plein plein de choses qui font saliver, des nouveaux bruits et des nouvelles odeurs auxquels il faut s'habituer. En bas de chez moi il y a un Casino et un traiteur.
On découvre tout ce qui a changé en deux ans et demi, souvent avec un émerveillement démesuré ("Quoi ?? tu peux recharger ton Navigo chez toi??") La France, c'est notre pays, mais après une vie si différente en Chine, revenir ne se fait pas en un claquement de doigt. Il faut y aller petit à petit, appréhender chaque étape pas à pas.
Ma fille ne reconnait pas encore sa maison, elle ne s'excite pas de joie comme quand on rentrait chez nous en Chine. C'est parfois un peu dur, parfois tout simplement génial.
On doit se recréer des habitudes, prendre nos marques et commencer à fabriquer de nouveaux souvenirs dans ce nouvel endroit.
C'est la page blanche dont certains rêvent mais qui fait un peu peur aussi.
Alors on fait comme on sait faire: on respire un grand coup, on se met un sourire sur les lèvres, on retrousse ses manches, et on y va.
Bonne semaine à vous.
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