Imparfait

Nous sommes à quelques jours du grand départ, celui là même que l'on avait commencé à préparer il y a 3 ans, mais dans l'autre sens. Tout autant dans la hâte et la précipitation.

Je suis pourtant habituée aux changements, mais quand je suis au bord du précipice, que je commence à me dire "c'est sans doute la dernière fois que je viens ici, la dernière fois que je prends ce petit passage..." j'ai toujours le coeur qui se serre, les yeux qui s'ouvrent en grand pour regarder et mémoriser de petits détails qui m'auraient échappé, je respire à fond pour sentir cet endroit que je m'apprête à quitter.

Ma fille est née ici, elle aura ouvert les yeux pour la première fois ici, respiré pour la première fois ici, et fait ses premiers pas ici.Elle aura vécu la première année de sa vie, celle où l'on compte en jours, puis en mois, ici à Shanghai. 

Pourtant je sais qu'elle ne se souviendra de rien, qu'elle dépendra entièrement des photos que je lui colle dans son album, et des mots que je mettrai dessus. J'aimerai pouvoir tout lui raconter, les couleurs improbables du ciel quand le smog nous envahit, la moiteur suffocante de l'été et le vent qui glace les os comme nulle part en hiver, le brouhaha permanent partout, tout le temps, les lumières multicolores de jour comme de nuit, les restaurants où l'on mange sur le trottoir un bol de nouilles à 2h du matin, les colonnes de vapeur qui s'échapent des paniers de bambou où cuisent des ravioles, le silence des scooters électriques, le tintamarre assourdissant des karaokés dans les parcs, les danses aux éventails qui ont lieu tous les soirs à côté de chez nous, la folie de la circulation dans tous les sens et sur tous les engins possibles, ce ruban rouge qu'on a accroché à un arbre pour elle, pour que sa vie soit douce et belle, le bruit de la cloche qui tinte sur le vélo des ferrailleurs, les briques écarlates et les cuisines communes des maisons traditionnelles...

Je sais que je ne reviendrai pas avant longtemps, voire même peut être jamais. On ne vient pas ici pour un week-end ou même pour des vacances. Alors j'essaie fort fort fort de rester curieuse, ouverte et calme et de parler d'ici au présent jusqu'au bout, jusqu'à la dernière seconde. Même si c'est tous les jours un peu plus compliqué. Shanghai l'imparfaite est déjà presque du passé. 

Comments

[Pauline]

Quel beau texte j'en ai presque les larmes au yeux , la groge serrée le coeur battant ... C'est très émouvant savoir que Mia est née la bas a grandie la bas en tt cas j'imagine votre sentiment passée 3 ans dans un pays totalement different de la france, vous avez due vous attachée a se pays et commencer a y vivre comme si il vs etait natal .

J'espere que vous viendriez toujours sur votre blog une fois en france !!!



Pleiiiin de groooos bisous et courage.

[MarjOlivier]

Oh, tu m'as fait un peu mal au coeur sur la fin, j'ai l'impression de ressentir ce dont tu parles... Plein de courage et profitez à fond. Ce qui est "rare" nous parait plus précieux.

[comiliso]

ah mais c'est imminent en fait ! çà a été décidé vite non ?

cette boule au ventre rolala je la ressens pour toi, j'imagine comme çà doit etre difficile ! en te lisant j'ai la gorge serrée, on ressent bien tes émotions.. profitez !!!!



Coralie, maman de Liam et Sören (comiliso sur instagram)

[Wafa]

Je pensais qu'on se reverrait à Shanghai l'année prochaine avec nos enfants. Dommage mais je comprends ton sentiment. La France c'est pour longtemps où juste en transit?

[Charlotte]

Oh dis donc vous partez? Bon courage, j'imagine que malgré toutes les imperfections d'une ville on commence à s'y attacher, à en faire son chez soi. J'espère qu'on continuera de suivre tes aventures à votre retour en France.